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3 mars 2011 4 03 /03 /mars /2011 09:01

 

 

 

 

 

_Allons nous asseoir. Puis, ne sachant trop quoi ajouter, Jacques dit : le soir est déjà tombé…

_ Je sais… je sens que vous me comprenez très bien, il…il s’est passé quelque chose  lorsque j’ai vu le ruban dans la voiture de Gilles, vous vous souvenez ?

_  Oui, bien sûr, c’était forcément perturbant ce ruban rouge, vous en pensez quoi ?

_ Je voudrais ne rien en penser, mais, au vu de la réaction agacée de Gilles, les questions se bousculent dans ma tête.

_ Les lui avez-vous posées ?

_ Il m’a dit qu‘il l’avait raccompagnée, c’est tout, et je n’ai aucune raison de ne pas le croire…mais …

_Vous vous posez encore des questions ?

_ Oui, et je finis par me demander si ça ne m’arrange pas d’y croire… C’est comme si je me cherchais des raisons pour le fuir…

_ Il faut que vous soyez au clair avec vous-même. Prenez un peu de temps.

Graciane sourit :

_ Oui, c’est exactement ce que je vais faire mais avant, je voulais vous voir, vous dire à quel point vous n’y êtes pour rien, mais ça ne signifie pas que vous n’avez aucune importance à mes yeux. C’est si rare de rencontrer quelqu’un avec qui on se sent immédiatement tellement …

_ En confiance ?

_ Merci, oui, c’est exactement ça.

Le silence à nouveau fila son cocon dans l’espace qui les entourait. Dehors, on entendit une fourgonnette peiner dans la côte menant à la mairie. Jacques esquissa un mouvement pour allumer une petite lampe basse.

_ Non, laissez …murmura Graciane. Je vais partir quelque temps, prendre du recul. Je crois que vous savez déjà ce que j’ai à dire.

_ Oui, je crois que Gilles a servi de miroir à vos propres désirs…et aux miens.

Graciane leva les yeux vers lui, cherchant les siens dans la pénombre.

_ Comment pourrais-je lui reprocher les sentiments que j’éprouve moi-même ?

_ Il n’est pas question de reprocher quoi que ce soit… à qui que ce soit.

_ Vous savez Jacques, ce n’est pas  facile d’accepter ces bouleversements dans les certitudes qui dirigent ma vie depuis plus de vingt ans. Je ne suis pas à plaindre et il est temps que je regarde tout ça en face. Parfois j’ai l’impression qu’aimer n’aura plus jamais aucun sens.

 

 

 

 

 

 

 

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11 février 2011 5 11 /02 /février /2011 18:58

 

 

 

 

_ Je vous fais du thé ? Elle hocha la tête, l'air perdu.    

Gracianne se tenait à l’entrée de la petite cuisine, le dos callé contre le montant de la porte elle regardait cet homme, ce presque inconnu lui préparer un thé dans la petite cuisine. Ses gestes à lui étaient sûrs, c’était ceux d’un homme qui a l’habitude de se faire à manger seul. Chaque chose était à sa place et il ne perdait pas de temps pour les trouver.

_ Je ressens un sentiment très étrange commença-t-elle, vous savez, c’est comme lorsqu’on est entre deux itinéraires possibles et on sait que si on fait un seul pas de plus, ou juste une amorce de mouvement dans un sens, le monde qu’on laisse derrière soi risque de s’écrouler complétement.

_C’est la croisée des chemins, répondit jacques.

_Oui, je crois qu’on peut dire ça comme ça, c’est la croisée des chemins en effet. Ce qui est étrange dans la vie c’est lorsqu’on croit avancer parce que tout va bien , et que les choses qui organisent notre vie nous conviennent, alors qu’un jour, on ne sait pas pourquoi…

_Pour une rencontre par exemple…

_Oui, ça peut être à l’occasion d’une rencontre, comme une confrontation, et là, on prend brutalement conscience que tout ce qu’on croyait bon ne l’est plus, nous agace, nous freine, ou pire…

_Ca peut nous détruire…

_ Je crois oui, que c’est tellement déstabilisant, que le monde peut chanceler si terriblement autour de nous…

Gracianne reprit appui un peu plus fermement contre la porte, comme si elle ressentait physiquement le poids de chacun de ses mots.

_ Je croyais ne manquer de rien...et je me rends compte que je manque de tout.

_ Allons nous asseoir. Puis, ne sachant trop quoi ajouter, Jacques dit : le soir est déjà tombé…


 

 

 

 

 

 


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12 août 2010 4 12 /08 /août /2010 15:22

 

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11 août 2010 3 11 /08 /août /2010 02:30

Jacques ouvrit la porte. Graciane était là debout, sur le palier, avec une petite valise à la main. Elle était vétue de la même robe qu'elle portait le jour où il l'avait vue pour la première fois. Elle portait ses chaussures à brides, celles qu'elle avait le jour du bal du 14 juillet.

- Je peux entrer ?

Jacques était tellement surpris qu'il ne sut que répondre, s'effaça, et elle passa devant lui. Son parfum lui revint immédiatement en tête, toujours le même, à la fois floral et inconnu avant elle. Il sourit.

Graciane parcourait la petite pièce des yeux. Il n'y avait pas grand chose, un buffet en chataignier, une surprenante table Knoll, blanche avec quatre chaises coque assorties. Des livres ouverts s'entassaient dessus.

Elle dit : "Otis Redding ?"

Comme entendant subitement à nouveau le disque qu'il avait posé sur le tourne disque cinq minutes plus tôt, Jacques opina, se demandant quand il serait à nouveau capable de prononcer un mot. Il se lança: "c'est un peu dépareillé, j'ai gardé des meubles qui étaient là avant, je n'ai pas encore eu le temps d'en acheter.

-C'est très bien. Je me demandais comment c'était chez vous, maintenant, je sais.

Elle posa la valise au sol et eut soudain l'air très fatigué.

-Voulez vous vous asseoir ?

Pour toute réponse elle se dirigea vers la table et s'assit à la table immaculée.

-Je suis désolée de venir ici sans vous avoir averti. Il fallait que je vienne.

-Vous avez bien fait.

Jacques poussa doucement une deuxième chaise et s'assit en face d'elle.Il vit qu'elle cherchait ses mots.

-Je me pose tellement de questions, finit -elle par lâcher, les idées tournent dans ma tête depuis samedi dernier... ce ruban, Gilles, moi, vous.

Elle planta ses yeux dans les siens.

Jacques ne sut quoi répondre. Cette situation était tellement inattendue.

Graciane baissa les yeux et ajouta:

-Je vois bien que je vous gêne. J'ai tellement honte.

-Mais non !! mais non !! Pourquoi ? Vous avez eu raison de venir, nous sommes amis, non ?

-En tout cas, je sais que je peux vous faire confiance. Et puis... vous êtiez là.

Jacques n'était pas très heureux de sa réponse, pas plus que de ce "vous étiez là". Que voulait-elle dire au juste? Mille questions l'assaillaient  autant qu'il pouvait y réfléchir, son esprit tentait de répondre seul à ces incertitudes. Mais quelque chose ne tournait pas rond. La femme qui l'attirait le plus au monde était là, devant lui, et il ne parvenait pas à aligner un traitre mot reflétant ses sentiments.

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Renaître Ici Encore Une Fois .

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Les grands frères


Amis pleins de rumeurs où êtes-vous ce soir

Dans quel coin de ma vie longtemps désaffecté ?

Oh ! Je voudrais pouvoir sans bruit vous faire entendre

Ce minutieux mouvement d'herbe de mes mains

Cherchant vos mains parmi l'opaque sous l'eau plate

D'une journée, le long des rives du destin !

Qu'ai-je fait pour vous retenir quand vous étiez

Dans les mornes eaux de ma tristesse, ensablés

Dans ce bief de douceur où rien ne compte plus

Que quelques gouttes d'une pluie très pure comme les larmes ?

Pardonnez-moi de vous aimer à travers moi

De vous perdre sans cesse dans la foule

O crieurs de journaux intimes seuls prophètes

Seuls amis en ce monde et ailleurs !

 

René Guy Cadou

 

 

 


L'HOMME APPROXIMATIF (extrait)

 

I

 

dimanche lourd couvercle sur le bouillonnement du sang

hebdomadaire poids accroupi sur ses muscles

tombé à l'intérieur de soi-même retrouvé

les cloches sonnent sans raison et nous aussi

sonnez cloches sans raison et nous aussi

nous nous réjouirons au bruit des chaînes

que nous ferons sonner en nous avec les cloches

 

quel est ce langage qui nous fouette nous sursautons dans la lumière

nos nerfs sont des fouets entre les mains du temps

et le doute vient avec une seule aile incolore

se vissant se comprimant s'écrasant en nous

comme le papier froissé de l'emballage défait

cadeau d'un autre âge aux glissements des poissons d'amertume

 

les cloches sonnent sans raison et nous aussi

les yeux des fruits nous regardent attentivement

et toutes nos actions sont contrôlées il n'y a rien de caché

l'eau de la rivière a tant lavé son lit

elle emporte les doux fils des regards qui ont traîné

aux pieds des murs dans les bars léché des vies

alléché les faibles lié des tentations tari des extases

creusé au fond des vieilles variantes

et délié les sources des larmes prisonnières

les sources servies aux quotidiens étouffements

les regards qui prennent avec des mains desséchées

le clair produit du jour ou l'ombrageuse apparition

qui donnent la soucieuse richesse du sourire

vissée comme une fleur à la boutonnière du matin

ceux qui demandent le repos ou la volupté

les touchers d'électriques vibrations les sursauts

les aventures le feu la certitude ou l'esclavage

les regards qui ont rampé le long des discrètes tourmentes

usé les pavés des villes et expié maintes bassesses dans les aumônes

se suivent serrés autour des rubans d'eau

et coulent vers les mers en emportant sur leur passage

les humaines ordures et leurs mirages

 

l'eau de la rivière a tant lavé son lit

que même la lumière glisse sur l'onde lisse

et tombe au fond avec le lourd éclat des pierres

 

les cloches sonnent sans raison et nous aussi

les soucis que nous portons avec nous

qui sont nos vêtements intérieurs

que nous mettons tous les matins

que la nuit défait avec des mains de rêve

ornés d'inutiles rébus métalliques

purifiés dans le bain des paysages circulaires

dans les villes préparées au carnage au sacrifice

près des mers aux balayements de perspectives

sur les montagnes aux inquiètes sévérités

dans les villages aux douloureuses nonchalances

la main pesante sur la tête

les cloches sonnent sans raison et nous aussi

nous partons avec les départs arrivons avec les arrivées

partons avec les arrivées arrivons quand les autres partent

sans raison un peu secs un peu durs sévères

pain nourriture plus de pain qui accompagne

la chanson savoureuse sur la gamme de la langue

les couleurs déposent leur poids et pensent

et pensent ou crient et restent et se nourrissent

de fruits légers comme la fumée planent

qui pense à la chaleur que tisse la parole

autour de son noyau le rêve qu'on appelle nous

 

les cloches sonnent sans raison et nous aussi

nous marchons pour échapper au fourmillement des routes

avec un flacon de paysage une maladie une seule

une seule maladie que nous cultivons la mort

je sais que je porte la mélodie en moi et n'en ai pas peur

je porte la mort et si je meurs c'est la mort

qui me portera dans ses bras imperceptibles

fins et légers comme l'odeur de l'herbe maigre

fins et légers comme le départ sans cause

sans amertume sans dettes sans regret sans

les cloches sonnent sans raison et nous aussi

pourquoi chercher le bout de la chaîne qui nous relie à la chaîne

sonnez cloches sans raison et nous aussi

nous ferons sonner en nous les verres cassés

les monnaies d'argent mêlées aux fausses monnaies

les débris des fêtes éclatées en rire et en tempête

aux portes desquelles pourraient s'ouvrir les gouffres

les tombes d'air les moulins broyant les os arctiques

ces fêtes qui nous portent les têtes au ciel

et crachent sur nos muscles la nuit du plomb fondu

 

je parle de qui parle qui parle je suis seul

je ne suis qu'un petit bruit j'ai plusieurs bruits en moi

un bruit glacé froissé au carrefour jeté sur le trottoir humide

aux pieds des hommes pressés courant avec leur morts autour de la mort qui étend ses bras

sur le cadran de l'heure seule vivante au soleil

 

le souffle obscur de la nuit s'épaissit

et le long des veines chantent les flûtes marines

transposées sur les octaves des couches de diverses existences

les vies se répètent à l'infini jusqu'à la maigreur atomique

et en haut si haut que nous ne pouvons pas voir avec ces vies à côté que nous ne voyons pas

l'ultra-violet de tant de voies parallèles

celles qui nous aurions pu prendre

celles par lesquelles nous aurions pu ne pas venir au monde

ou en être déjà partis depuis longtemps si longtemps

qu'on aurait oublié et l'époque et la terre qui nous aurait sucé la chair

sels et métaux liquides limpides au fond des puits

 

je pense à la chaleur que tisse la parole

autour de son noyau le rêve qu'on appelle nous

 

Tristan Tzara




FOURMI



Une fourmi fait un trajet
De cette branche à cette pierre
Une fourmi, taille ordinaire
Sans aucun signe distinctif
Ce matin, juin, je crois le sept.
Elle porte un brin, un fétu
Cette fourmi, taille ordinaire
Qui n'a pas la moindre importance
Passe d'un trot simple et normal

Il va pleuvoir, cela se sent
Et je suis seul. Moi, seul au monde
Ai vu passer cette fourmi
Au temps des Grecs et des Romains
D'autres fourmis couraient ainsi
Dont rien jamais ne parle plus
Cette fourmi, taille ordinaire
Sans aucun signe distinctif
Qui serait-elle ? Comment va-t-elle ?

Et toi et moi qui sommes-nous ?
Et comment tournent les planètes
Qui n'ont pas la moindre importance ?
Que fait l'histoire au fond des cœurs
Et comment battent ces cœurs d'hommes
Qui n'ont pas la moindre importance ?
Que font les fourmis de l'esprit ?

Ce matin, juin, je crois, le sept.
Sans aucun signe distinctif
Il va pleuvoir, cela se sent
Cela fera du bien aux champs
- Et ta fourmi, taille ordinaire
Qu'en as-tu fait ? Que devient-elle ?
Crois-tu qu'elle était amoureuse ?
Crois-tu qu'elle avait faim ou soif ?
Crois-tu qu'elle était vieille ou jeune
Ou triste ou gaie ?
Intelligente ou bien quelconque ?
Pourquoi, pourquoi
Pourquoi, pourquoi
Ça n'a-t-il pas plus d'importance ?
Pourquoi, pourquoi
Ça n'a-t-il pas plus d'importance ?
Pourquoi... Pourquoi
Pourquoi... Pourquoi
Pourquoi... Pourquoi
Pourquoi ?


NORGE

 

« On est devenu soi-même imperceptible et clandestin dans un voyage immobile. Plus rien ne peut se passer, ni s'être passé. Plus personne ne peut rien pour moi ni contre moi. Mes territoires sont hors de prise, et pas parce qu'ils sont imaginaires, au contraire : parce que je suis en train de les tracer. Finies les grandes ou les petites guerres. Finis les voyages, toujours à la traîne de quelque chose. Je n'ai plus aucun secret, à force d'avoir perdu le visage, forme et matière. Je ne suis plus qu'une ligne. Je suis devenu capable d'aimer, non pas d'un amour universel abstrait, mais celui que je vais choisir, et qui va me choisir, en aveugle, mon double, qui n'a pas plus de moi que moi. On s'est sauvé par amour et pour l'amour, en abandonnant l'amour et le moi. On n'est plus qu'une ligne abstraite, comme une flèche qui traverse le vide. Déterritorialisation absolue. On est devenu comme tout le monde, mais à la manière dont personne ne peut devenir comme tout le monde. On a peint le monde sur soi, et pas soi sur le monde. » Gilles Deleuze




Que Cherches-Tu ?

...par ici il y a du soleil !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vagues à l'âme...